En rangeant ma collection de magazines Joystick et Génération 4, j’ai pu me rappeler avoir vécu une époque magnifique : celle du jeu micro dans les années 80-90. Une période pendant laquelle les évolutions étaient tellement rapides que le jeu vidéo micro (principalement sur PC) en fut particulièrement bouleversé au fil des années. Ce passe temps chronophage et si élitiste que fut le jeu PC de ces années est représentatif d’une époque en pleine mutation technologique. Ayant commencé le jeu vidéo dans les années 80, j’avais envie de retracer avec vous ces évolutions marquantes qui ont amené, par de nombreuses étapes, au monde du PC que l’on connait aujourd’hui.

Le Micro : un jeu dans le jeu ?
Jouer à un jeu vidéo sur PC dans les années 80 était une expérience qui demandait de la patience et parfois un soupçon d’imagination. Malgré les limitations technologiques de l’époque, les graphismes simples et les sons rudimentaires étaient compensés par des histoires captivantes et des énigmes stimulantes (jeux de rôles ou d’aventures en tête). C’était une ère où chaque pixel comptait et où chaque lancement de jeu était une victoire, créant des souvenirs durables pour ceux qui ont grandi avec ces premières merveilles de l’informatique ludique. Car oui, à l’époque faire fonctionner un titre était déjà un jeu à part entière (remember Autoexec.bat et Config.sys).

Avant de passer aux jeux, le hardware nécessitait déjà quelques notions peu accessibles (sans internet !). L’époque Plug & Play est arrivée bien plus tard en micro-informatique avec les sorties des systèmes d’exploitation Windows 95 et 98. A l’époque du MS-DOS, il fallait en plus de l’installation physique du matériel, installer le système d’exploitation, les drivers de chaque composant et les prendre en compte lors du lancement de la machine. Idem pour faire fonctionner les jeux où parfois il fallait libérer plus de mémoire conventionnelle ou de l’Extended Memory (EMS)… tout cela en générant des disquettes boot permettant d’optimiser le tout ou même plus tard les menus « multi-boot » ! Un parcours du combattant pour les ados (voire pré-ados) que nous étions.

La carte son : un ajout non négligeable pour le Micro !
Les ordinateurs personnels des débuts (PC en contradiction avec les Amstrad CPC ou Atari / Amiga) étaient limités à des bips monotones générés par des haut-parleurs intégrés. Les capacités sonores étaient basiques, se limitant principalement à des alertes sonores ou des tonalités simples. L’IBM PC (dont le nom deviendra le générique), lancé en 1981, utilisait un haut-parleur intégré capable de produire des sons simples via des commandes de programmation basiques. Cette approche restait toutefois rudimentaire pour les applications nécessitant un son plus complexe. Bien des années après, je trouve que ce biper avait un réel charme même si à l’époque je rêvais forcément d’autre chose. Dès 1987, les premières cartes sonores ont fait leur apparition notamment via Adlib, et très rapidement la Sound Blaster de Creative Labs qui allait inonder le marché dès 1989.

Des utilitaires et des jeux pour bénéficier d’un son différent
C’est à partir du début des années 90 que j’ai emboîté le pas avec ces cartes dédiées. Lorsque j’ai eu mon propre PC en 1991 – un 286 SX cadencé à 12 MhZ qui se branchait sur un moniteur VGA en 256 couleurs de toute beauté (nous reviendrons plus tard sur l’aspect graphique) – je n’avais au départ que le haut-parleur intégré (biper). Même si les programmeurs se démenaient pour nous apporter des musiques qui se rapprochaient de l’original (souvent issues des micros type CPC / Atari / Amiga – mention spéciale aux Bitmap Brothers et Xenon 2), les résultats étaient parfois assourdissants. Lorsque j’ai enfin pu acquérir la Sound Blaster (celle d’origine 8 bits avec sono mono) ce fut une sacrée révolution… je vous laisse visionner les utilitaires révolutionnaires à l’époque qui accompagnaient les cartes (bien que cette vidéo soit à base de Sound Blaster Pro – modèle plus évolué que celle que j’ai connue d’entrée) :
Pour ma part, étant surtout un joueur, l’arrivée des cartes son m’a permis une plus grande immersion dans les titres auxquels je jouais. Grâce notamment à la puce Yamaha YM3812 permettant l’OPL2 et la synthèse FM. Cela nous a permis d’avoir ce son si particulier qui fait encore résonner le souvenirs de ces mélodies propres à nos après-midis enchantées. Afin de vous montrer les différences, je vous ai compilé une petite vidéo de la musique d’introduction de l’illustre The Secret of Monkey Island, avec sa bande son particulièrement mythique.
Le CD-Rom : le multimédia qui plonge le Micro dans une nouvelle ère !
Bien qu’il fut créé dès 1984 notamment pour les laboratoires de recherche et les grandes entreprises, ce n’est qu’à partir du début des années 90 que le grand public put en acquérir… Pour une fois, c’est sur console que nous avons pu en découvrir un, dès le 4 décembre 1988 au Japon avec la PC Engine CD-ROM² System (évolution de la console de NEC). De mon côté, j’avais fait évoluer mon 386 DX 40 avec ce lecteur CD-ROM pour pouvoir enfin lancer les titres qui envahissaient nos magazines de l’époque comme Rebel Assault, The 7th Guest ou encore Mega Race.

A la fois nouveau support permettant un stockage de masse de plus de 450 fois le support disquette original, les premières années du CD-ROM vidéoludiques étaient surtout des années de « remplissage ». En effet, au delà des musiques en qualité CD, on se retrouve très souvent avec des introductions ou cinématiques réalisées sous 3D Studio (ex : Theme Park) ajoutant une petite touche cosmétique au titre mais rien de transcendant. C’est ensuite que les jeux ont particulièrement été pensés pour ce média avec des titres comme The 7th Guest ou encore Under a Killing Moon avec du FMV dans tous les sens (trop même !). La révolution vers le PC Multimédia était en marche. Enfin, ce fut également le développement des premiers graveurs de CD-ROM qui ont permis de continuer le piratage 🏴☠️ (qui existait déjà avec les disquettes) et de commencer à remplir des CDs de musique, de photos ou de softwares.

La carte graphique d’accélération 3D
Alors que certains titres commençaient à faire suffoquer nos machines de l’époque, une nouvelle évolution allait pointer le bout de son nez permettant de décupler la puissance et faire entrer le jeu PC dans une nouvelle ère. Les premières cartes d’accélération 3D pour PC sont apparues au milieu des années 1990, marquant une révolution dans le domaine du jeu vidéo et du graphisme. Avant leur arrivée, les processeurs principaux (CPU) géraient à la fois la logique du jeu et le rendu graphique, ce qui limitait considérablement la fluidité et la qualité visuelle. Pour cela, c’est l’écran qui définissait le nombre de couleurs qui était affiché :
- CGA – résolution en 320*200 pixels avec 4 couleurs affichées simultanément (mais qui comportait 16 teintes différentes – Palette 1 : cyan, magenta, blanc, noir / Palette 2 : rouge, vert, jaune, noir)
- EGA – résolution en 640*350 affichant jusqu’à 16 couleurs simultanément à l’écran, mais parmi une palette de 64 couleurs possibles
- VGA – résolution en 640*480 en 16 ou 256 couleurs parmi une palette de 262 144 couleurs possibles – puis évolution technique vers le SVGA et des résolutions allant du 800*600 au 1600*1200

Mais revenons à nos cartes dédiées… L’une des pionnières fut la 3dfx Voodoo Graphics (1996), qui introduisit le rendu matériel des textures, des effets de lumière et des filtres bilinéaires, transformant des jeux comme Quake ou Tomb Raider. D’autres fabricants comme NVIDIA (avec la RIVA 128), ATI (avec la Rage), ou encore Matrox et S3 entrèrent rapidement dans la course. Ces cartes utilisaient des bus PCI puis AGP pour accélérer le transfert de données entre la carte mère et le GPU. Le concept de rendu 3D matériel permit enfin d’afficher des environnements complexes, des ombres dynamiques et des textures détaillées. Cette période vit aussi la naissance des premières API graphiques, comme Glide, Direct3D et OpenGL, qui standardisèrent la programmation 3D. En quelques années, ces innovations posèrent les bases de la carte graphique moderne, ouvrant la voie aux GPU programmables et aux graphismes photoréalistes d’aujourd’hui.

D’un point de vue « Jeux », nous avons toujours des titres radicalement différents des consoles même si on commence à voir certaines adaptations plutôt intéressantes comme chez SEGA (on ne se refait pas) avec SEGA Rally et Virtua Fighter, qui sont de véritables versions « Arcade Perfect » bénéficiant surtout de l’apport des résolutions beaucoup plus grandes sur PC que sur consoles de salon. Un peu comme avec l’ajout de la carte son en son temps, ici on redécouvrait pleinement les titres joués sans carte dédiée (Quake en est un parfait exemple de la différence colossale entre avec et sans carte dédiée).
Le Micro et l’accès au réseau mondial et au jeu en ligne
La dernière évolution majeure dans le domaine reste l’accès à internet. Marquant un véritable tournant dans le monde du jeu vidéo, ce fut avant toute chose l’accès à l’information et à du contenu totalement inédit jusqu’à présent. Le débit étant particulièrement faible à cette époque et les tarifs élevés, nous n’avions pas accès comme aujourd’hui à des vidéos ou du jeu en ligne diffusé pour le grand public. Je me souviens avoir été plusieurs fois dans des « cyber-cafés », époque où nous n’étions pas encore tous équipés à domicile, avec pour objectif de trouver des cheat codes pour Warcraft II par exemple ou encore des screenshots de jeux à sortir, mais aussi de « rencontrer » de nouvelles personnes sur des services de chat comme Caramail.

L’accès à internet était également le moment de s’ouvrir aux balbutiements du jeu en ligne. Pour ma part, j’ai débuté avec une connexion internet en 56k (avec le modem qui bloquait l’accès à la ligne téléphonique du domicile), alors que certains jouaient sur Dreamcast à PSO, je débutais sur PC avec notamment Rainbow Six Rogue Spear, les initiateurs du terroristes contre GIGN (pour rester en France 🇫🇷). Du côté des points négatifs, bien sûr la vitesse de la connexion qui était un véritable calvaire quand on jouait contre des américains ou asiatiques… mais c’était tellement « nouveau » que l’on s’y accommodait. Qui se souvient des forfaits illimités tel celui d’AOL à 99 francs / mois ?

Au delà du jeu en ligne, cette époque marqua le développement du jeu en réseau (LAN) pour contre-carrer à la fois l’accessibilité à internet et les difficultés liées aux technologies encore débutantes. Les weekends entre amis à amener les tours, les écrans, claviers et souris pour pouvoir jouer en réseau chacun sur son PC mais dans une ambiance très conviviale avec pizzas et bières jusqu’à très tôt le lendemain matin. Cette époque m’a permis à la fois de continuer de jouer à Warcraft II mais aussi de bien poncer le premier Starcraft et évidemment côté FPS Counter Strike (même si celui-ci est arrivé un peu plus tard). Je ne résiste pas au fait de vous partager cette photo des San Antonio Spurs champions NBA jouant en LAN (sur des portables, hérésie !) dans l’avion au cours d’un déplacement (avec le trophée Larry O’Brien des champions juste à côté d’eux).

Conclusion
En guise de conclusion, j’ai eu envie de retracer ma timeline de « joueur Micro » jusqu’au début des années 2000. Pour moi, cette ère de grands changements se termine à cette époque, les évolutions bien que présentes n’étaient plus aussi marquantes que pendant les années 80-90. Les dates sur cette frise chronologique représentent les changements de machines, et les boîtes de jeux, les titres auxquels j’ai le plus joués sur ces machines. Bien évidemment, il y en eut beaucoup d’autres mais ceux-là furent principalement emblématiques.

Aujourd’hui, comme beaucoup, je suis particulièrement nostalgique de cette époque bien que très content de l’évolution positive du marché du jeu sur PC. Au rang des déceptions, je mettrai d’abord l’abandon des big box et le développement du dématérialisé, même s’il y a de nombreux points positifs comme la ludothèque qui se conserve d’années en années. Autre aspect enthousiasmant, la démocratisation du jeu en ligne, tout comme le rapprochement avec le jeu console, bref le jeu PC n’est plus le jeu inaccessible qu’il était à l’époque. Même si cette démocratisation est un avantage indéniable, il n’en reste pas moins que la spécificité des jeux de l’époque 90s nous manque particulièrement (stratégie temps réel, point’n’click…).



